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L'oeil du Tabou

 2010-2011

 

Mes gestes sont techniques et organisés, mes doigts glissent sur le bois avec délicatesse, un instant étrangement intime avec ces inconnus endormis dans leur cercueil clos. Je conduis alors le défunt vers le rail qui le guidera ailleurs. J'encadre le cercueil à l'aide de bras mécaniques, de part et d'autre, je positionne les arrêtes de fer qui soutiendront le bois pour le soulever sans l'endommager. Le métal supporte désormais le cercueil. J'orne alors ce départ, des souvenirs confiés par les proches. Je mets mes écouteurs, choisis une musique. L'appareil est prêt. Je presse le bouton, dans un bruit sourd la porte s'ouvre, la chaleur envahit la pièce. Quand la porte se referme, la transformation commence. C'est par « L'oeil du Tabo » que j'assiste au départ, à travers cette lucarne j'aperçois un paysage automnal, orangé, organique, végétal. Lorsque je pose mon regard sur l'acte de crémation, ce que je vois ne m'effraie pas. J'ai l'impression de voir se dessiner des montagnes, des vallées, des forêts et des chemins. Dans ce paysage onirique, le voyage commence, le corps s'efface, se déconstruit et se reconstruit.

 

Cette série photographique a été une des plus difficile à réaliser, non par sa thématique, mais par la justesse avec laquelle je voulais représenter la crémation et la disparition d'un corps. La mort est un sujet qui concentre de nombreux tabous auxquels je voulais échapper. En effet, nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas. La mort, autant dans sa symbolique que dans sa matérialité, est difficile à aborder que se soit par le langage ou l'image. Ce que j'ai cherché à exprimer dans ma série d'images est finalement que la mort, la disparition et la crémation sont des processus naturels dont on ne doit pas avoir peur. Mes photographies sont un point de vue, davantage sur le départ que sur la mort. Faire face à ses images c'est se rendre compte de la disparition d'un corps, d'un changement d'état en essayant de ne pas idéaliser ce que l'on voit. Ce travail est une réflexion sur la matérialité d'un corps qui s'efface. « L'oeil du tabo » est une série de natures mortes représentant le processus de crémation.

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