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DÉCINES MOI TA MAISON

Série photographique sur les logements alternatifs, 2013

 

 

Je l'ai rencontrée presque par hasard. C'était un samedi, je crois. M. portait un grand sweat, ses bras étaient tatoués. Elle avait un sourire qui allait jusqu'aux oreilles. On a parlé de tout et de rien. J'ai tout de suite aimé sa franchise et sa manière de parler. Elle m'a proposé de la suivre chez elle pour boire un café et continuer à parler. Je l'ai suivi et ai découvert après un peu de marches, l'immeuble dans lequel elle vivait. Il s'agissait d'un squat. J'ai croisé certains de ses colocataires dans les couloirs avant d'arriver à son appartement. J'ai pris une ou deux photographies sans porter atteinte à leur intimité. Son appartement était confortable et le café délicieux. Ce jour-là, on a parlé jusqu'au soir. À mon départ, M. m'expliqua qu'elle ne resterait pas ici longtemps, car ils allaient être délogés. Je pris son numéro de téléphone et l'on se donna rendez-vous pour que je puisse prendre d'autres images de ce qu'elle appelait « un logement alternatif ».

 

Quelques semaines passèrent avant que l'on se donne des nouvelles. Un après-midi, elle me contacta pour me dire où je devais me rendre pour la retrouver. Après une bonne heure de trajet, je suis arrivée quelque part hors de Lyon aux alentours de Décines. Elle m'attendait en bas d'un sentier avec le même sourire que la première fois que je l'ai vu. Avec sa voix douce et rauque, elle me raconta qu'elle vivait désormais ici. Un peu perdue et cernée par la verdure, j'ai eu du mal à visualiser où elle pouvait bien vivre. Et puis on arriva en haut de la butte et je découvris un « camp » avec des yourtes, des tipis et des cabanes en bois. Cela ressemblait à une sorte de village hors du temps, un village de hippies. M. me présenta celui qui semblait orchestrer le bon fonctionnement de leur « lotissement sauvage». Il était grand et charismatique. J'ai tenté de lui expliquer ma démarche photographique et il semblait être intéressé. Mais très vite, je compris que ses intentions étaient bien loin d'être humaniste ou idéaliste et qu'il n'avait aucune envie de partager ses idées ou sa manière de vivre avec moi. Le projet tomba peu à peu à l'eau. Mais, M. était toujours là. On garda le contacte et l'on continua à se voir de temps en temps.

 

J'ai cru, lorsque j'ai réalisé cette série de photos, que je voulais raconter la vie dans les squats et ce que représente un "logement alternatif". Mais avec le recul, je me rends compte que ce n'est pas moi qui ai dirigé ce projet, car je n'ai finalement fait que suivre cette femme qui a voulu partager certains moments de sa vie avec moi. Elle m'a montré « ses maisons ».

 

 

 

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